Depuis des années, les luttes LGBTQI+ et féministes s’enferment dans des logiques assimilationnistes, même au sein des milieux soi-disant radicaux – en témoigne la récupération du terme transpédégouine (TPG) en dehors des milieux anti-autoritaires et anarchistes. Ces lignes assimilationnistes sont notamment caractérisées par des rapprochements avec la gauche institutionnelle, ses partis, syndicats et organisations politiques, voire une intégration totale au sein de ceux-ci. A chaque mois des fiertés, à chaque 8 mars ou à chaque intervention transpédgouine dans les mouvements sociaux en cours, cela produit et accompagne une ligne pacificatrice qui voudrait nous réduire à agiter des drapeaux derrière des banderoles aux slogans plus ou moins énervés, mimant les traditionnels cortèges syndicaux cishétérosexuels, leur inutilité chronique, et l’ennui qu’ils nous procurent – même avec des playlists un peu plus funs.
Nous traçons un lien direct entre ces modes d’action sans intérêt, et une certaine pauvreté théorique dans nos milieux militants. Celle-ci peut aussi s’expliquer par un certain échec à lier théories et actions, à user de l’un pour faire advenir ce qui nous intéresse dans l’autre. Nous traçons un autre lien direct avec les logiques de réseaux sociaux dans lesquelles nous nous enfermons, et les soi-disants débats et discourses qui s’y répétent en boucle, sans grand intérêt. Les lignes politiques sont filtrées à travers des logiques marchandes ou des bagarres d’égo ou interpersonnelles, empêchant toute réelle opposition d’idées productives. Celles qui existent sont noyées dans des flux sans fin, oubliées dès le lendemain, jusqu’au prochain discourse où elles seront répétées sans jamais être reliées aux luttes d’où elles proviennent.
Pourtant, la période n’est pas aussi désespérante qu’elle peut en avoir l’air. Lors du mouvement social contre la réforme des retraites, dans plusieurs grandes villes de France, des black bloc explicitement transpédégouines ont fleuri lors de manifestations, allant même jusqu’à former un bloc lors de manifestations du 8 mars de l’année dernière ou du 7 mars de cette année. Des squats TPG continuent d’ouvrir et de fleurir un peu partout en France, malgré la répression et les difficultés accrues depuis la récente loi anti-squat, prouvant qu’ils sont indispensables à la fois dans l’élaboration d’espaces de discussion et d’organisation, ainsi que dans la nécessité de loger les plus précaires d’entre nous, notamment compte-tenu de la grande précarité des personnes trans. Une amplification d’actions directes explicitement trans et/ou queer fleurit dans différents pays du monde, par exemple aux Etats-Unis autour de la lutte contre la Cop City à Atlanta ou de la récente résurgence de Bash Back.
Nous ne croyons pas que la frustration que l’on ressent à chaque mois des fiertés, au milieu de toutes ces prides aux allures chaque année plus syndicales et plus policées que la précédente, soit inévitable. Nous ne croyons pas non plus qu’il faille attendre que les mouvements anti-trans prennent davantage encore d’ampleur avant de véritablement s’y opposer frontalement. Nous ne croyons pas à l’intégration dans les différentes organisations politiques de la gauche, où l’on passe plus de temps à affronter leurs violeurs et les cadres qui les protègent qu’autre chose. Nous ne croyons pas non plus à l’enfermement de la théorie dans des milieux universitaires, déconnectée de toute action. La nécessité de mouvements transpédégouines plus offensifs, sur des bases anti-autoritaires, anti-assimilationnistes et autonomes, nous paraît immédiate.
A travers cet appel, on propose d’élaborer une plateforme de contre-information collaborative pour lier à la fois action et discussion, afin d’intervenir dans les luttes et milieux transpédégouines comme dans les milieux anarchistes et autonomes plus globaux.La plateforme accueillerait la diffusion et la traduction d’ouvrages, d’articles, de brochures et de textes divers, de communiqués d’actions directes ayant eu lieu partout dans le monde, de récits de luttes et de solidarités internationales. Cette plateforme serait finalement la base permettant ensuite une diffusion en physique de ces textes, là où nous vivons et luttons, par le biais d’une version papier qui permette de dépasser la simple contre-information anarchiste sur internet, ou celle des milieux LGBTI sur les réseaux sociaux.
Toute proposition de contribution, préférablement anonyme et anonymisée, en utilisant par exemple TOR, Tails, et un service d’adresse email sécurisé (ou jetable tel que tempmail), peut être envoyée à l’adresse mail suivante :
criminelles [at] distruzione [dot] org
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